Sus à l’Infâme
Le vent faisait claquer les étendards qui filaient dans les campagnes du Nord de la France. Depuis le couronnement du Roi Sagramor, un flot continu de navires de débarquement arrivait sur les côtes du Ponthieu. Des très nombreuses petites embarcations frappées du trèfle, du dragon ou du lion descendaient ainsi la Somme pour rejoindre Amiens, la ville-forteresse où Brian Boru avait érigé son quartier général de campagne. La région florissait depuis l’arrivée des britanniques, un an auparavant, et avait retrouvé un dynamisme florissant. Méconnaissable, la cité prenait des accents irlandais très prononcés et l’ouverture, ou la conversion, d’un nombre considérable d’auberges en « pubs » n’y était pas étrangère. La nouvelle s’était très vite propagée, prenant vie depuis Winchester, le Roi d’Irlande, Brian Boru, déclarait la guerre au Roy de France et de Navarre, le Seigneur James ! On avait couru, chevauché et hurler afin que les ordres soient vite relayés. Mais les insulaires avaient pris une longueur d’avance et avaient déjà levé de grandes armées sur les terres franques. L’arrivée du Roi, cependant, relança la ferveur des irlandais qui marchèrent vers Paris, se préparant à combattre l’Infâme personnage. Mais quelle ne fut pas la surprise de Brian Boru lorsqu’il s’aperçu que James avait été chassé par Ykar, qui ne voulait plus d’un seigneur à la renommée douteuse en ses terres.
Brian regarda son reflet dans la bassine d’eau. Ses traits avaient durcis et sa barbe, qu’il avait autrefois longue était taillée et soignée. Ses cheveux, autrefois longs et en bataille, signe de la « barbarie irlandaise » étaient maintenant coupés très courts, lui donnant un aspect agressif. Si certaines choses avaient changé, ses muscles restaient durs et ses épaules, larges. Un Roi dur mais bon et généreux avec les siens. Voilà 5 ans qu’il s’était rendu en Afrique afin d’y rencontrer ses amis de la Ligue. Ce voyage lui avait été d’une extrême importance, puisqu’il y avait noué des contacts solides avec des seigneurs qu’il estimait beaucoup. Mais voilà, la guerre en Angleterre l’avait changé et il s’était endurci, au fil des batailles, avant de comprendre que son sort ne se jouerait pas chez lui mais chez les ennemis de sa nation. Aussi, dès qu’il avait reçu cette lettre venue de Godfred, il n’avait eu d’autre choix que de chevaucher contre son ancien allié James. Le Roy des Francs avait été un homme intègre et bon, bien que très ambitieux et enclin à la plus pure des prétentions. Mais il avait été droit, avant que tout change.
L’année précédente avait été lourde de conséquence. James avait attaqué et défait les seigneurs arabes avant de leur déclarer la guerre, ce qui lui avait valu le surnom d’Infâme. Cet acte odieux avait poussé Brian à se séparer de James puis de lui mentir. Puis, ses frères celtes de Bretagne, désespérés par le joug du jeune Roy, avaient imploré l’aide du souverain irlandais. Alors Brian avait décidé de déclarer la guerre à cet ennemi du bien. Comble, la Normandie avait été cédée à un Italien, qui n’avait aucune légitimité sur ces terres frontalières des siennes. Le vent de la guerre avait soufflé un grand coup avant de retomber sur un silence de fer. Brian avait été conduit dans un des nombreux palais de Paris, la ville de son ami Lotharingien. Le faste de la cité lui convenait parfaitement et faisait écho avec ses rêves inavouables de grandeur. Il se sentait loin de chez lui mais pourtant n’avait qu’une hâte, qu’une envie, qu’un rêve. Il voulait chevaucher à la rencontre de cet homme qu’il défiait aujourd’hui. Il voulait renverser cet empire bancal bâti sur des mensonges et des traîtrises. Oui, il allait montrer à tous que Celtes et Pictes étaient à prendre au sérieux.
Le cor résonna trois fois. L’appel aux armes était lancé. Ca y est, midi était passé et la chevauchée allait reprendre. Cette fois, Brian ne s’arrêterait pas avant qu’à ses pieds soit moribonde la lâcheté. Dans la chambre, de nombreux écuyers entrèrent, prêts à armer leur seigneur. Oui, les boucliers allaient voler en éclats, pour une victoire toujours plus éblouissante. Le Seigneur d’Irlande allait à la rencontre de ses frères de la Ligue, et nul ne saurait arrêter le temps qui chevauche.
Partout en Europe, des messagers filaient au triple galop, faisant halte dans les villes les plus importantes aux frontières françaises. Des missives étaient placardées sur les portes des auberges, appelant à la mobilisation générale.
« Des gouvernants de rencontre ont pu trahir, cédant à la félonie, oubliant l’honneur, livrant les pays de France à la servitude. Cependant, rien n’est perdu ! Rien n’est perdu car cette guerre est une guerre européenne. Dans l’Europe libre, des forces immenses n’ont pas encore donné. Un jour ces forces écraseront l’ennemi. Il faut que la France, ce jour-là, soit présente à la victoire. Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur. Tel est mon but, mon seul but ! J’en appelle à tous les Français qui désirent s’affranchir du joug tyrannique de James à émigrer. L’Espagne musulmane accueillera tous les hommes valides prêts à se battre pour la victoire contre l’Infâme. L’Angleterre ouvre grand ses bras aux hommes de valeur et d’honneur. Je vous invite à vous libérer. Franchissez la frontière, venez à ma rencontre, et vous serez libre. Pour une Europe sans félon. Tout homme, toute femme, tout seigneur qui rejoindra la lutte contre l'Infâme sera couvert d'honneur, de gloire et d'or. Tout mécréant qui désirerait se retirer du service du dit triste sire sera quant à lui grâcié et recevra une lettre d'amnistie pour quitter la France.
Brian Boru le Libérateur »
Arda para subire, brûle de t'élever
