Deuil

Alzgard · 15/03/2012 19:16:44

Agenouillé sur le marbre froid, Godfred contemplait sans le voir la dépouille de Dermid al-Dermidî. Le compagnon, le frère de sa prime jeunesse. Son guide dans le dédale des mœurs inconnues d'Afrique. Son soutien dans les luttes de la succession. L'épée et le conseil. Âme solide et main ferme.

Il n'avait pu en croire la missive lui annonçant le désastre de Murcie. C'était impossible: pas lui, pas son cher Dermid. Son âme agitée d'un trouble mortel, il avait fait le voyage jusqu'en Andalousie, pour entendre de la bouche même de son lieutenant le démenti de ces rumeurs. Il était à présent prostré devant le cadavre froid comme la pierre où il reposait.

As-Salām, celui qui procure la paix, qu'Il te reçoive en Son paradis, et qu'il t'accorde Son calme et Sa sérénité éternels. Ton sang sera payé, frère, ou de la mort de l'infâme James, ou de la mienne. Je t'en fais serment. Comme tu as versé ton sang pour moi, je verserai le mien.

Retirant la dague du mort, il referme à présent sa main sur la lame, et s'ouvre la paume d'un coup sec. Lorsqu'il serre le poing, le sang s'écoule, rouge et chaud, sur le corps sans vie de Dermid al-Dermidî, grand Connétable du Maroc et Sénéchal d'Al Andalus.

Alzgard · 16/03/2012 09:30:15

Père bien aimé,

Que n'êtes-vous auprès de moi, en ces jours de deuil et d'affliction? On vous dit en Lydie, ou bien en Gefara, dans ces terres arides et lointaines. Que faites-vous encore en ces lieux étrangers, quand c'est ici, dans votre Espagne natale, que j'ai tellement besoin de vous?

Ô Père... la situation ici devient intenable, je ne comprends plus Godfred. Cela fait trois saisons qu'il refuse des offres de paix de James, alors que celui-ci, alors à nos portes, ravage depuis nos terres. Il prétend qu'on ne traite pas avec un félon. Quand je lui représente les risques encourus, et les désastres déjà subi, il me répond qu'Al-Khāfid, Celui qui destine les oppresseurs et les orgueilleux au rabaissement et au châtiment, veille sur nous et qu'il ne peut rien nous arriver.

Et voici qu'à présent, il s'est mis en tête de châtier Brian Boru pour sa félonie sur Ykar! Brian Boru, le puissant roi suprême d'Irlande, notre ami, notre allié de toujours. Celui qui fut notre hôte, comme nous fûmes les siens à maintes reprises. N'est-ce pas folie pure? Ne me dites pas qu'il a obtenu l'aval de la Ligue pour se lancer dans cette aventure?

Depuis la mort de son cher Dermid, c'est comme s'il n'était plus lui-même. Mon mari me fait peur, Père! Pouvez-vous comprendre cela? Lui qui ne boit jamais une goutte d'alcool, il ressemble par moment à un homme ivre. Mais l'ivresse du vin passe après une bonne nuit de sommeil. Comment vaincre l'ivresse de la douleur?

Hélas, que va devenir l'enfant que je porte, si l'Espagne et l'Afrique sombrent dans le chaos? Je n'ose même annoncer la nouvelle à Godfred, tant ses réactions sont imprévisibles ces derniers temps. Que dois-je faire? Conseillez-moi, Père, je vous en supplie.

Votre fille qui vous aime,

Teresa

Duc de Navarre · 17/03/2012 16:37:18

Teresa, mon coeur adoré,

C'est avec une tristesse immense que j'écris ces lignes, désespéré de ne plus voir ton visage, de ne pas voir grandir cet enfant que j'ai tant attendu. Tu te bats actuellement en Espagne et sache que je te soutiens de toute la force de mon âme. Un jour viendra où toi et ton mari parviendrez à anéantir votre ennemi. Ce jour sera fêté dans toute l'Afrique aussi bien qu'en Espagne. Mais pour ma part j'ai failli. Je n'ai pas su être digne de l'héritage de nos ancêtres et je dois me repentir en conséquence.

J'aurai aimer voir Ilmir à mes pieds, demandant grâce. J'aurai aimer qu'il comprenne que tout le soutien que pouvait lui apporter Alexandre était factice. Mais il est resté un adversaire valeureux jusqu'au bout et c'est aussi pour lui que je combats aujourd'hui. Parce qu'il a su prouver mille fois sa force, il ne mérite pas d'être trahit ainsi. Parce qu'il m'a appris ce que c'était que d'être un homme, je le remercie aujourd'hui et je me dois de l'aider.

Alexandre doit payer, et je ne puis me retirer. Ce combat sera mon dernier, je me battrai avec honneur et sans fioritures. Je n'en ressortirai pas vainqueur ma fille, j'ai accepté cela et même si je sais que cela te fais mal, je te demande d'en faire autant. Ton père ne reviendra pas en Navarre, mais toi si. Cette terre que j'ai cherchée pendant si longtemps tu l'as trouvée. Tu es devenue la duchesse de Navarre alors que je n'ai jamais été qu'un vieux fou, errant sur les routes d'Afrique. J'ai caché ma détresse sous un protocole strict, sous des vêtements somptueux, mais ce que j'ai toujours cherché je l'ai trouver ici. C'est en Grèce que j'ai compris que l'armure serait le seul vêtement que je porterais jusqu'à ma mort.

Je joins donc à cette lettre mon testament, tu peux le considérer comme effectif dès maintenant. Si jamais je ne mourrai pas dans ce combat il suffira de le déchirer.

Teresa de Navarre, tu es désormais l'héritière du duché de Navarre. Tu partagera ce pouvoir avec ton mari légitime en attendant la naissance de ton enfant qui deviendra alors le nouveau duc de Navarre. Vous assurerez ensuite la régence jusqu'à sa majorité. En tant que tel je joins le sceau du duché à cette lettre, vous pourrez aussi utiliser vos titres et faire valoir vos droits légitimes sur les terres du duché. Tous mes autres biens te reviennent dès à présent.

Tu es forte, je sais que tu saura guider le duché et aider ton mari lorsqu'il le faudra à prendre les bonnes décisions. Ne te laisse pas impressioner par ses talents martiaux, impose ta voix lorsqu'il le faut et fais prospérer notre maison.

Que ta vie soit longue et bonne ma fille,
je t'aime sincèrement.
Ton père, Maximilien, Duc de Navarre